[INTERVIEW] de Héloïse Dano – Consultante en Numérique Responsable

Ingénieure de formation, Héloïse Dano a quitté l’industrie ferroviaire pour créer Ecologeek, une entreprise dédiée au Numérique Responsable. Animatrice et formatrice, elle utilise des ateliers collaboratifs pour sensibiliser à l’impact environnemental et social du numérique. Son parcours est guidé par la volonté de concilier technologie, éthique et durabilité.

Quel est ton parcours professionnel ? Présente-toi en quelques lignes.

Je suis ingénieure de formation. J’ai travaillé 6 ans dans des projets ferroviaires avant de tout plaquer pour me mettre à mon compte et être plus en phase avec mes valeurs personnelles, surtout au niveau de l’environnement. Je voulais un job avec plus d’impact et tenter l’entreprenariat. Et puis j’ai un deuxième travail à plein temps qui est d’être maman. Donc je voulais pouvoir montrer à mes enfants qu’on peut aller au travail avec le sourire et que si on veut un futur plus désirable, il faut s’investir ! J’ai donc créé mon entreprise Ecologeek pour faire du conseil autour du Numérique Responsable (numérique éthique, tech4good, sustainable IT, appelez-le comme vous voulez, le principe reste le même pour moi !)
Et dans la vie de tous les jours, j’essaye de faire au mieux sur plusieurs fronts (biodiversité, énergie, climat, eau, etc.). À la maison, j’aime dire qu’on a lancé un plan de résilience écologique…

Qu’est-ce qui t’a amené à devenir Animatrice et Formatrice pro de la Fresque du Numérique ?

Je suis persuadée que l’utilisation de l’intelligence collective combinée à celle de la gamification est un super combo pour retenir des informations et pour avoir envie d’agir. À l’époque où je me suis formée, c’était les tout débuts de la fresque et je cherchais justement un jeu pour faire passer les messages importants. Alors quand j’ai entendu parler de cette fresque, je me suis dit que cela ne servait à rien de réinventer l’eau chaude et j’y suis allée.

Par la suite, je me suis beaucoup investie dans l’association qui a été créée autour de la diffusion du jeu et je suis devenue formatrice puis instructrice et référente locale en Ille-et-Vilaine. J’ai aussi intégré le CA et j’y suis restée 3 ans. Ce qu’il y a de beau avec cet atelier, c’est la communauté autour de lui et j’y ai tout de suite trouvé ma place !

Tu es même Animatrice de plusieurs ateliers comme la Bataille de Tech, de la Bataille de l’IA et de Future of Tech ? En quoi ça consiste ? Et qu’est-ce que tu aimes dans cette activité ?

J’adore les ateliers pour les raisons évoquées juste avant, donc quand je peux me former, j’y vais ! Les ateliers cités dans la question sont portés par une autre association que j’adore, Latitudes. Ils sont très complémentaires avec la Fresque du Numérique car ils évoquent les sujets sociaux en plus des sujets environnementaux. On y parle notamment de diversité dans les métiers du numérique, accessibilité web, citoyenneté numérique, respect de l’humain et engagement via le numérique. La pédagogie est active également. J’adore y voir les discussions suscitées suite aux questions posées et les réactions face à certaines informations.

La bataille de la Tech évoque ces sujets de manière générale.

La bataille de l’IA fait un focus sur l’IA générative et vient y ajouter des sujets autour de la créativité, des biais et de la fiabilité de l’information.

Future of Tech est un atelier à destination d’un public collégien pour présenter les métiers du numérique tout en évoquant les sujets sociaux et environnementaux. Globalement, le but de ces ateliers est d’éveiller les consciences et de donner envie d’agir pour faire un numérique plus responsable et plus engagé (ce sont les deux mots d’ordre de l’association). Mais j’anime également d’autres ateliers comme La fresque des écrans de Colori, pour expliquer comment le numérique est fait, pourquoi on y est tous accros et comment essayer d’en sortir un peu.

J’aime beaucoup aussi utiliser les cartes du jeu eco[N]um pour présenter un grand nombre d’actions possibles. Et je découvre de nouveaux jeux/ateliers tous les jours auxquels je m’intéresse de près ou de loin et dont je me saisis si je pense qu’ils vont m’aider à faire passer mon message.

Pourquoi être devenue Consultante en Numérique Responsable ?

Pour essayer de soulever toutes les questions liées à cette thématique dans les entreprises et les aider à mieux s’outiller pour créer une feuille de route digne de ce nom. J’essaye aussi de leur faire comprendre que le Numérique Responsable, ce n’est pas que le GreenIT (la partie environnementale) et que les enjeux sociaux sont parfois bien plus importants. Mais cette mission, c’est aussi un peu un cheval de Troie… Je parle de numérique car (presque) tout le monde l’utilise dans le monde professionnel comme personnel. Mais au final, c’est une entrée en la matière vers des sujets de soutenabilité et de vivre ensemble plus larges. Quand je parle des limites de ressources pour créer le numérique, je parle en fait des limites de ressources tout court, dans tous les secteurs. Quand j’évoque tous les déchets numériques non ou mal traités, j’évoque en fait les déchets de manière générale. Quand je mets l’accent sur la captation de l’attention afin de nous manipuler à rester toujours plus sur les plateformes, je mets en fait le doigt sur la manipulation à nous faire toujours plus consommer. Les sujets du libre et open source feront aussi écho au faire ensemble dans la société de manière plus large. etc. J’aime beaucoup également intervenir dans l’enseignement supérieur pour donner les outils nécessaires à cette génération très demandeuse.

Que proposes-tu aux entreprises ?

Concrètement, je les aide à mieux cerner le problème, à le comprendre d’une manière globale avant de faire le focus sur leur place et celles de leurs parties prenantes (ateliers de sensibilisation, formations, études des parties prenantes, découverte de la législation et de l’écosystème NR, etc.).

Une fois que ce contexte est cerné, je les accompagne vers la création d’une feuille de route en phase avec leurs moyens d’action. J’essaye de les pousser à être ambitieuses et cohérentes. Je peux les aider à remplir un dossier de labellisation NR, monter une gouvernance efficace du projet, créer un réseau d’ambassadeur.rice.s, monter un plan de formation, etc. Tout ce qui va faire que le projet puisse avoir des chances de se concrétiser et d’aboutir en les outillant au mieux.

Est-ce que la pollution numérique est un sujet pour toi ?

J’avoue ne pas être la personne la plus connectée ou la plus équipée de ma génération… Je n’ai pas de télévision, de console de jeux, de tablette, de domotique ou encore de smartphone ! À la maison, qui est aussi mon bureau du coup, on a mis en place de nombreuses actions de ce côté-là. C’est logique vu mon métier… Sinon ce serait totalement dissonant !

On a passé nos abonnements téléphoniques chez Telecoop, au niveau de l’énergie on est passé chez Enercoop depuis un bon moment, on essaye aussi de limiter au max notre consommation électrique. J’ai acheté mon ordinateur portable après un leasing de 2 ans (et il doit en avoir 5-6 déjà je pense). Mon téléphone portable et mon casque sont des occasions de Le Bon Coin. Mon clavier vient d’un achat sur Vinted. Mes équipements clavier, casque et souris sont filaires. Je répare (ou fais réparer) mon matériel si il y a un problème. J’ai arrêté d’utiliser mon imprimante perso et passe par un imprimeur local. Pour mes interventions chez les clients, si c’est possible, j’essaye de faire le maximum sans écran. Mon site, mon drive et mes outils mail et agenda sont hébergés chez Infomaniak qui utilise une énergie 100% renouvelable et a une très belle politique RSE. D’ailleurs, mon site a été éco-conçu par les copains de chez Translucide qui ont fait un super boulot.

Mais c’est au niveau des usages que je ne suis pas très bonne… Au niveau réseau social, je n’utilise que LinkedIn pour mon travail (ce qui permet une pause le week-end et pendant les vacances car à ce moment-là cette communauté est moins active). Mais par contre, depuis que je suis dans le milieu du NR, je suis sur pas mal de groupes d’échanges sur différentes messageries : Slack, Telegram, Mattermost, etc. et ça n’aide pas ma charge mentale et la planète 😉 J’ai beau limiter les notifications, je suis facilement happée…

Et puis on ne va pas se mentir, j’ai une légère addiction aux séries (comme pas mal de monde je crois…) que je regarde en streaming sur des sites loin d’être éco-conçus…

Utilises-tu des outils et plateformes dans ton quotidien pour maîtriser ton impact (comme FileVert par exemple) ?

Le meilleur outil pour limiter mon temps d’écran et mon impact, ce sont mes enfants… d’abord je veux montrer l’exemple, mais surtout je suis tellement prise/fatiguée que je ne peux plus passer des heures devant des séries sans piquer du nez au bout de 15 minutes !

Plus sérieusement, j’utilise quelques outils aussi :

  • un programmateur de prise pour ma box,
  • un CMS éco-conçu pour mon site web,
  • LibreOffice pour la bureautique (histoire de sortir des GAFAM),
  • à moindre effet, j’utilise beaucoup TinyPNG pour réduire le poids de mes images lorsque je vais publier des choses sur LinkedIn et des sites gratuits pour compresser mes PDF avant de les partager (tels que SmallPDF),
  • j’écoute souvent des vidéos au lieu de les visionner (avec un bloqueur de flux vidéo qui s’appelle YouTube Audio),
  • j’ai un nombre incroyable d’extensions diverses et variées sur mon navigateur (Firefox 😉) pour bloquer les pubs, valider le refus des cookies automatiquement, bloquer la lecture automatique des vidéos, rendre la page minimaliste, etc. Tout ça pour limiter la captation de mon attention et limiter les flux (entre autres : UBlock Origin, Consentomatic, Minimal). Et sur mon navigateur et LinkedIn, j’ai bloqué la lecture automatique de vidéo en réglant les paramètres.
  • j’avoue que pour le partage de fichiers, je ne passe pas par FileVert mais directement par mon drive Nextcloud…

Que penses-tu de FileVert ?

Le fait que ce soit géré et hébergé en France c’est vraiment chouette !

Ça permet d’être rassuré quant au respect du RGPD de l’hébergeur. En plus, je crois que vos serveurs sont alimentés 100% en énergies renouvelables, ce qui est également appréciable du point de vue de l’empreinte carbone.

Le transfert de fichiers via la plateforme et leur stockage éphémère évitent bien sûr de surcharger des boîtes mails déjà trop lourdes et de stocker les mêmes fichiers à 15 endroits différents.

Le fait que les transferts soient chiffrés est rassurant également au niveau du respect des données privées. Il existe de nombreux outils de transfert de fichiers mais le vôtre semble plus responsable que certains et permet de sortir des GAFAM avec une solution clé en main lorsqu’on ne sait pas forcément se créer son propre espace sécurisé.