[INTERVIEW] Albane Bruyas, COO chez Scaleway

by Filevert 9 février 2023
Albane Bruyas - COO - Scaleway

FileVert est heureux de vous partager l'interview d'Albane Bruyas, Chief Operational Officer chez Scaleway, qui expose sa vision des défis actuels autour des datacenters. Du système de refroidissement à la sécurité des données en passant par la consommation d'énergie, Albane décrit les actions de Scaleway pour rendre ses technologies plus durables et réduire leur impact environnemental.

En totale transparence et responsabilité vis-à-vis de nos clients, nous avons sélectionné Scaleway comme hébergeur principal de notre solution. Parmi les opérateurs français, Scaleway a été choisi pour ses capacités à répondre à nos exigences fondamentales en matière de ressources, de transparence, de sécurité et de gouvernance.



Qu’est ce qu’un datacenter ?

 

Un datacenter, ou centre de données, est dans les faits un bâtiment avec des serveurs permettant aux clients d’atteindre à distance les capacités installées, comme par exemple de calcul ou de stockage de données. 

Deux notions sont très importantes à comprendre :

1/ Les composants électroniques d’un serveur chauffent, exactement comme ceux d’un ordinateur. Le premier métier d’un datacenter est donc de permettre à ces serveurs de ne pas dépasser une certaine température pour assurer un fonctionnement optimum. Chaque datacenter a un système de refroidissement. Celui-ci est le deuxième poste de consommation d’énergie, après les serveurs eux-mêmes. Il est donc essentiel de bien choisir son système de refroidissement pour des questions d’impact environnemental et financier.

2/ Au-delà du refroidissement, un datacenter se doit d’être sécurisé et résilient. Cela signifie que les serveurs seront toujours accessibles par les clients, mais seulement par les clients. Cette accessibilité permanente nécessite donc de la redondance sur les ressources clés : énergie, refroidissement, et réseau.

La sécurité nécessite un strict contrôle d’accès au bâtiment et aux différentes salles informatiques qui le composent. Des normes, telle que ISO 27001 - certification dont Scaleway dispose pour tous ses datacenters - assure aux clients que leurs données sont en sécurité.
 

Quels sont les enjeux autour des datacenters aujourd’hui ? Et face à la crise énergétique ?
 

L’enjeu d’un datacenter aujourd’hui, au-delà de ceux cités auparavant et qui ont toujours existés, est de rentrer dans un cycle de durabilité. On ne peut pas continuer à sous-estimer l’impact du matériel informatique et des consommations d’énergie sur notre planète sans agir.

Le premier enjeu est la consommation d’électricité. En effet, nous avons en France l’électricité la moins carbonée d’Europe mais cela se dégrade avec la crise du gaz et les sources d’approvisionnement annexes qui sont utilisées. Chez Scaleway, nous n’avons pas attendu la crise énergétique pour agir sur cette question. Nous savons depuis des années que l’enjeu prioritaire est de réduire la consommation. Deux principaux axes sont à étudier :

  • la consommation énergétique des composants électroniques à puissance de calcul équivalente,

  • la consommation du système de refroidissement.

Chez Scaleway, nous veillons à proposer des produits toujours moins consommateurs d’énergie par rapport à la puissance proposée et avons développé des technologies de refroidissement très performantes et peu énergivores. Nous travaillons également sans relâche avec les constructeurs pour identifier les systèmes les moins consommateurs. 

Pour ce qui est de la consommation des systèmes de refroidissement, nous avons développé une technologie appelée l’adiabatique, qui nous permet d’économiser jusqu’à 40% d’énergie.

Le deuxième enjeu est ce qu’on appelle le scope 3. C’est-à-dire le bilan carbone des matériels et services que nous achetons. L’objectif est donc d’identifier les bons fournisseurs mais aussi et surtout d’acheter le moins possible pour limiter la production et son impact tout en répondant aux besoins de nos clients. Cela demande des efforts de R&D hardware et software importants. 
 

Vous avez développé une méthode de refroidissement qui vous permet "d'économiser 40% d'énergie". Comment fonctionne-t-elle ?
 

Si une grande partie de nos datacenters utilisent le free cooling, ou le principe de refroidir les serveurs uniquement grâce à l’air extérieur, notre DC5 l’utilise et va plus loin. Pendant l’été, si la température excède 30°C, nous pouvons activer le refroidissement adiabatique. Ce principe ancestral - il était utilisé dans l’antiquité - repose sur le fait que l’eau absorbe la chaleur de l’air. Le procédé consiste donc à faire passer l’air ambiant à travers une membrane de papier humidifié. La température de l’air est ainsi suffisamment réduite pour pouvoir refroidir les serveurs du datacenter. C’est ainsi que DC5 évite totalement le recours à la climatisation, et consomme ainsi 30 à 40 % d’énergie en moins par rapport à un datacenter classique. 

De plus, comme l’adiabatique est très peu gourmand en eau, on préserve cette ressource également, en utilisant au moins 90 % d’eau en moins que la concurrence.
 

Equipe Lille - DC5 - Scaleway

Quand est-il de la consommation d’eau ? Quels sont les risques pour l’environnement ?
 

La consommation d’eau est un sujet aussi sensible que la consommation d’électricité. De nouveau la consommation d’eau d’un datacenter est fonction de sa technologie de refroidissement : courant d’eau dans les serveurs, tours de refroidissement… plusieurs technologies existent. Certaines sont bien plus consommatrices que d’autres. 

Cet été dans la région de Londres - en pleine canicule - un projet de construction de datacenter a été refusé, car ce dernier aurait consommé 25 litres d’eau par seconde. L’impact environnemental de ce type de procédés est évidemment considérable. 

Le plus dangereux est que certains opérateurs de datacenter affichent des taux d’utilisation d’énergie défiant toute concurrence car ils utilisent des quantités astronomiques d’eau pour refroidir les serveurs. 

L’eau étant une ressource aussi précieuse et limitée que l’énergie, nous militons chez Scaleway pour en limiter l’utilisation. Nous militons aussi pour une transparence du secteur avec la nécessité pour chaque datacenter d’afficher ses statistiques de consommation d’électricité et d’eau, et avons notamment proposé un nouveau standard, le rDCE, pour mesurer ces deux ressources en même temps.
 

Cette augmentation de la consommation d'énergie est-elle seulement liée à notre utilisation quotidienne du web ? Ou d’autres facteurs s'ajoutent-ils ?
 

Bien sûr, notre utilisation quotidienne et exponentielle du web a un impact, mais ce sont aussi nos attentes vis-à-vis du web qui provoquent un impact important en consommation d’énergie et sur l'environnement. 

Cette course incessante à la vitesse mène les opérateurs à l’achat de plus en plus fréquent de nouvelles technologies toujours plus performantes. Des constructeurs ont estimé que 15-30% du bilan carbone d’un matériel informatique n’est lié qu’à sa production. C’est là tout le paradoxe du progrès : si on peut aller plus vite, on en profite, sans se demander si on en a vraiment besoin. Les fournisseurs, en répondant à ce besoin et étant intéressés car il est apporteur de plus de volumes, entrent et entretiennent ce cercle vicieux

Cette tendance est aussi exacerbée par notre habitude grandissante d'applications intuitives, qui s’adaptent à notre besoin. L’intelligence artificielle consomme énormément avant même son utilisation, pour ce qu’on appelle l’entraînement des modèles. Par exemple, GPT3, la technologie derrière ChatGPT, aurait utilisé presque autant d’énergie que 100,000 foyers européens en un jour pour son entraînement.
 

Qu’en est il de la revalorisation et la réutilisation des équipements des datacenters en Europe ?
 

C’est un point essentiel que Scaleway adresse déjà depuis plusieurs années. Nous touchons au scope 3 du cloud. Comme je vous le disais, 15-30 % du bilan carbone des serveurs seraient liés à leur production. Être capable d’utiliser des composants électroniques plus longtemps - par exemple deux fois leur durée de vie moyenne -  permet de gagner ces émissions carbone, sans même compter l’impact de leur transport entre l’Asie et l’Europe.

C’est pour ces raisons que nous prônons une utilisation raisonnée de la technologie chez Scaleway. Tous les usages ne demandent pas des cartes graphiques ou des processeurs dernier cri. Nous sommes fiers de faire fonctionner nos serveurs jusqu’à 10 ans chez Scaleway, là où d’autres les jettent après 3-4 ans. Cela a demandé le développement de software et du design hardware

Nous réduisons donc non seulement l’impact carbone, mais aussi l’e-waste en général.
 

Pourquoi choisir un opérateur Européen ou Français plutôt qu’un autre ?
 

La législation européenne garantit le meilleur respect de la confidentialité des données au monde, et Scaleway s’inscrit pleinement dans ces valeurs. Non seulement nous respectons absolument la confidentialité des données de nos clients, mais rien qu’en étant basés uniquement en Europe, nous les protégeons de toute législation extra-européenne comme le CLOUD Act, qui permet au gouvernement américain de regarder les données stockées par des entreprises US, même en dehors de leur territoire.

C’est pour ces raisons qu’il vaut mieux choisir un fournisseur cloud européen ou français, surtout en période de déstabilisation géopolitique. Si votre accès à un fournisseur américain ou asiatique était un jour coupé, qu’adviendrait-il de vos données ?

On peut soit dit en passant questionner la validité des “Clouds de confiance” validés par le gouvernement français. Comment parler de souveraineté des données quand ces dernières restent hébergées par Google ou Microsoft ?

De plus en plus de clients viennent aujourd’hui chez Scaleway pour ces raisons. Ainsi un tiers des entreprises rejoignant actuellement notre programme pour les startups citent la souveraineté comme raison de choisir Scaleway… en plus du catalogue produit.
 

Quels conseils donnez-vous aux DSI actuels et futurs dans le choix de leurs infrastructures cloud ?
 

Le premier conseil est de choisir leur infrastructure et le fournisseur cloud associé en fonction du juste besoin : de la pointe de l’innovation au serveur le plus basique, chaque infrastructure efficiente s’appuie sur un catalogue de service qui va répondre à chaque étape de la vie de leur produit.

Cette première étape permet à la fois de limiter les coûts en prestations cloud et l’impact carbone de leur produit comme expliqué auparavant.

Le deuxième conseil est d’analyser et challenger ce qui se cache derrière ces produits : le lieu de stockage des données, les méthodes de refroidissement des data centers, l’implantation géographique du fournisseur dans son ensemble, la résilience des produits et infrastructures. 

Ce sont ces critères qui garantiront la souveraineté des données vis-à-vis de leurs propres clients ou employés et de nouveau leur impact carbone.

Finalement, nous leur recommandons d’avoir une approche multi-cloud. C’est-à-dire de ne pas s'enchaîner à un seul fournisseur. Je suis issue du monde de l’industrie et j’ai toujours appris à quel point il est dangereux de confier sa production à un seul prestataire : c’est un risque aussi bien pour la résilience que pour les coûts. Quel est votre pouvoir de négociation et votre capacité à maintenir l’activité si vous êtes dépendants d’un prestataire unique ?
 

FileVert utilise les services de Scaleway pour l'hébergement de ses données. Que pensez-vous de la solution ?

 

FileVert-Gros fichiers-Petit impact

 

La solution FileVert s’inscrit parfaitement dans la vision du monde digital que nous avons chez Scaleway. La souveraineté assurée, la sensibilité et sensibilisation aux enjeux environnementaux, les bons réflexes tels que la suppression des fichiers une fois transférés… Nous sommes fiers de compter FileVert parmi nos clients et nous attacherons à les accompagner dans leur démarche responsable.

 

FileVert est un service Français et éco-conçu qui permet d’envoyer vos fichiers gratuitement de manière éphémère, éco-responsable et vertueuse.

FileVert par activité